Le test de Bucarest

Publié le 20 juillet 2012 à 12:24

Que se passe-t-il en Roumanie ? Vu de Bruxelles et de la plupart des capitales européennes, le gouvernement de Victor Ponta abuse de son pouvoiren plaçant ses hommes à des postes-clés du Parlement et de la justice, et en essayant de destituer le président Traian Băsescu. Vu de la droite roumaine, il s’agit d’un coup d’Etat (presque) en douceur pouvant mener à une dictature. Vu de la gauche roumaine, il s’agit d’un simple rééquilibrage des pouvoirs au détriment d’un chef de l’Etat qui a commis des abus et empêchait le gouvernement de gouverner.

Quoi qu’il en soit, les événements récents ont une importance qui dépasse les frontières de la Roumanie. Parce qu’avec 21 millions d’habitants, il s’agit du septième pays de l’UE en terme de population, et parce que la chute de Nicolae Ceaușescu en a fait un symbole de la lutte pour la démocratie en Europe. Mais aussi parce qu’en cette période de crise, ils noircissent encore un peu plus le portrait de l’Europe actuelle.

Le parallèle avec la Hongrie a beaucoup été fait ces derniers temps. Mais tandis qu’à Budapest, un parti ultra-majoritaire a pris en main les leviers du pouvoir, c’est une lutte entre camps équilibrés qui se joue à Bucarest. Et tandis que la Fidesz du Premier ministre Viktor Orbán applique un programme idéologique, l’USL de Ponta semble avant tout agir par opportunisme pour saisir le pouvoir (politique et judiciaire) qui lui est accessible. Mais au-delà des différences, le résultat est le même : le jeu démocratique apparaît faussé et cela constitue un défi pour les valeurs sur lesquelles se fonde l’Union européenne.

Cette situation signe l’échec du pari de 2007, lorsque la Roumanie a été admise dans l’Union malgré ses retards dans la mise en place d’un Etat de droit équivalent à celui de ses partenaires. Les dirigeants européens ont misé sur le fait que l’adhésion, accompagnée d’un processus de supervision, suffirait à garantir les progès attendus. Las, l’UE reste comme encombrée d’un membre problématique, tandis que les Roumains continuent de se sentir comme des Européens de seconde zone, toujours pas admis dans l’espace Schengen et régulièrement soumis à des rapports d’évaluation pointant les insuffisances de leur Etat. Double échec, donc, qui renforce la méfiance mutuelle et rend très délicate l’intervention de l’UE dans la crise actuelle.

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Il ne s’agit pas pour l’UE de prendre fait et cause pour un camp contre l’autre. Les élites politiques roumaines des deux bords n’ont manifestement pas totalement rompu avec les pratiques post-communistes de tentation autoritaire et de collusion entre politique et affaires. La dureté du tonde certains journaux roumains montre d’ailleurs que les intérêts des uns et des autres vont bien au-delà de la scène politique.

**En revanche, l’Union a eu raison d’insister pour que le référendum du 29 juillet, qui doit confirmer ou annuler la suspension du président Băsescu, se déroule selon des règles claires. Car il ne faut pas oublier que le gouvernement Ponta est en place depuis le mois de mai parce que le précédent, soutenu par Băsescu, était affaibli par des manifestations répétées contre sa politique économique et sociale. Il y a donc un acteur de cette crise qui n’a pas encore été écouté et dont la voix est prépondérante : le peuple roumain. Il tranchera une première fois le 29 juillet. Et une seconde lors des élections législatives prévues en novembre prochain.

C’est en continuant de garantir le bon déroulement de ces votes, et de rester vigilante envers l’équilibre des pouvoirs, que l’Europe pourra contribuer à régler cette crise. Et montrer qu’elle sait défendre ses valeurs.**

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