Le vrai défi chinois

Publié le 12 octobre 2010 à 09:54

Le sommet Europe-Asie (ASEM) des 4 et 5 octobre était censé renforcer la coopération face à la crise économique mondiale. Officieusement tout le monde savait que les dirigeants de l'UE allaient tenter de persuader la Chine de réévaluer le yuan.

Ces projets n'ont rien donné, le Premier ministre chinois Wen Jiabao ayant d'emblée averti ses interlocuteurs européens que toute tentative de pression sur Pékin était vouée à l'échec. Pendant ce temps, de plus en plus d'experts pointent le déséquilibre dans les relations bilatérales, incarné par les 130 milliards d'euros dudéficit commercial de l'Unionavec la Chine.

"Pendant plusieurs années, l'Union a usé envers Pékin d’une politique d'attirance, dépourvue de toute condition, et maintenant elle subit un véritable fiasco ... les investisseurs chinois jubilent en Europe, les Européens, eux, sont souvent délogés de la Chine", déplore dans Gazeta Wyborcza François Godement, expert au European Council on Foreign Relations.

En effet, ces derniers temps, les entreprises chinoises ont commencé à entrer en Europe par la petite porte. Ce sont elles qui ont lancé à la Grèce, endettée jusqu'au cou, une bouée de sauvetage, accompagnée par la promesse de Pékin de gigantesques investissements dans les infrastructures (notamment dans la modernisation des chemins de fer grecs). C'est également la Chine qui a racheté, pour plus de 3 milliards d'euros, le port de marchandises du Pirée. Quant à la Serbie, candidat potentiel à l'UE, les Chinois vont y construire un pont sur le Danube.

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Que faire ? L'Union peut suivre l'exemple des Etats-Unis et augmenter des taxes déjà existantes sur les produits chinois, ou en introduire de nouvelles. Elle peut aussi continuer à inciter Pékin à réévaluer sa monnaie.

Mais, c'est un vain combat, comme l'explique au Timele politologue américain Fareed Zakaria. Même une augmentation de 20 % du yuan ne rendrait pas les sociétés américaines ou européennes plus compétitives, et les produits bon marché de l'Asie ne disparaîtraient pas pour autant des rayons de nos magasins. Tout au plus, les T-shirts chinois seront remplacés par leurs substituts produits au Vietnam et au Bangladesh.

Zakaria insiste en revanche sur un autre problème, bien plus grave. Il s'agit de la compétitivité croissante de la Chine dans le domaine de l'éducation et de l'économie fondée sur la connaissance. En dix ans ses dépenses d'éducation ont triplé, le nombre d'universités a doublé et le nombre des étudiants a été multiplié par cinq.

Si l'on tient compte du calcul effectué par le prix Nobel Robert Fogel, selon lequel un employé, diplômé de l'enseignement supérieur, est trois fois plus productif que celui qui en est resté à l’enseignement élémentaire, on imagine aisément que les problèmes économiques actuels avec la Chine ne sont qu'un préliminaire à la vraie bataille, qui nous attend d'ici quelques années.

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