Etat de droit pour tous

Publié le 26 juillet 2013 à 13:52

La Bulgarie fait partie des oubliés de l’UE. A en croire le peu d’écho dans la presse européenne des manifestations qui se déroulent depuis plus de 40 jours, et plus particulièrement des heurts qui se sont produits devant le Parlement le 23 juillet, ce pays de 7 millions d’habitants, membre de l’Union depuis 2007 et situé à l’un de ses confins orientaux, n’est pas assez important pour que l’on se préoccupe de son sort.
Et pourtant c’est un sujet qui devrait concerner tous les Européens qui est au coeur des protestations. Un sujet sur lequel se fondent l’Union européenne et les valeurs démocratiques que sont censés partager tous ses habitants : l’Etat de droit et son respect par les pouvoirs en place.
En Bulgarie, comme le souligne la Frankfurter Allgemeine Zeitung, “des coteries pour l’essentiel issues de l’ancienne nomenklatura ou des services secrets communistes ont phagocyté bon nombre des institutions de l’Etat bulgare afin de pouvoir mener leurs petites affaires au sein d’une vaste ‘zone grise’ entre politique, économie et crime organisé”.
Tout le monde le sait, comme le démontrent les rapports d’évaluation de l’UE sur la réforme de la justice, la corruption et la lutte contre le crime organisé. Mais à part des suspensions de subventions européennes, aucune mesure sérieuse n’a été prise par l’UE pour obtenir des autorités bulgares qu’elles se conforment aux engagements pris lors de l’adhésion du pays.
La Bulgarie n’est pas le seul pays à problème. La Roumanie, qui fait l’objet des mêmes rapports d’évaluation, est encore loin d’être irréprochable. Et les réformes constitutionnelles introduites par le gouvernement de Viktor Orbán en Hongrie, plusieurs fois critiquées par le Conseil de l’Europe, font l’objet de débats réguliers au Parlement européen.
Mais les discussions sur ces trois pays sont extrêmement politisées. Viktor Orbán bénéficie d’un soutien inconditionnel d’une grande partie du Parti populaire européen (PPE), tandis que ses positions eurosceptiques et protectionnistes accentuent la défiance des libéraux. La dernière campagne électorale roumaine a été le théâtre d’une lutte d’influence entre le PPE, les socialistes et les libéraux européens. Et le chef du Parti socialiste bulgare actuellement majoritaire à Sofia, Serguei Stanichev, est le président du Parti socialiste européen (PSE), qui n’a pas émis de critique sur les récentes nominations suspectes contestées par la rue.
Comment éviter cette instrumentalisation et défendre vraiment le respect de l’Etat de droit en Europe ? La mise en place d’un mécanisme de contrôle indépendant, proposé par le député européen Rui Tavares dans le cas de la Hongrie, est un premier pas. L’idée de “débattre plus, au-delà des problèmes économiques, de la manière dont les pays membres appliquent les règles de l’Etat de droit et assurent le respect des droits fondamentaux” actuellement étudiée par la Commission européenne, en est un autre.
Car de la même manière que l’adhésion à la monnaie unique est soumise au respect des fameux critères de convergence du traité de Maastricht, l’adhésion à l’UE est soumise aux critères de Copenhague, qui incluent la démocratie et l’Etat de droit. Mais alors qu’avec la crise de la dette, les Etats membres ont accepté de renforcer les sanctions et leur application en cas de non respect des critères économiques, ils restent pusillanimes lorsqu’il s’agit d’évaluer et sanctionner le non respect des règles de droit.
On a pu voir les conséquences de ce deux poids deux mesures le lendemain même des affrontement de Sofia. En Grèce, soumise à un mémorandum rigoureux en échange d’une aide financière, un parti néo-nazi représenté au Parlement a pu, le 24 juillet, organiser un rassemblement pourtant interdit et diffuser l’hymne nazi en pleine rue sans être inquiété.
L’UE pourrait-elle imposer des mesures et des grilles de sanction pour l’organisation politique et institutionnelle de ses Etats membres ? Dans le contexte actuel de défiance envers “Bruxelles”, cette intrusion dans la souveraineté des Etats serait une démarche risquée. Mais c’est justement cette tolérance envers des atteintes aux valeurs démocratiques qui nourrit le rejet de l’UE, et dans le cas de la Bulgarie et de la Roumanie, des nouveaux membres du club, qu’ils soient déjà entrés ou qu’ils ne soient que candidats. Le chemin est donc très étroit, mais il pourrait bien un jour s’avérer nécessaire.

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