Une dictature bénéfique ?

Publié le 3 décembre 2010 à 10:41

La semaine écoulée a été marquée par la publication au compte-goutte dans les plus grands journaux européens des "cables" internes à la diplomatie américaine révélés par WikiLeaks. On a ainsi "appris", entre autres, que le chef du gouvernement espagnol était considéré un "nuitard romantique", mais pas autant que son homologue italien ; que la chancelière allemande est qualifiée de "teflon" ou encore que le président français est "susceptible". Rien de bien neuf.

Plus intéressantes sont les réactions que ces révélations ont suscitées. Côté politique, la condamnation a été unanime et mondiale, avec une surenchère de qualificatifs. Dans la presse et l'opinion publique, les avis sont plus nuancés. La première oscille entre enthousiasme pour la manne d'informations gracieusement fournies et irritation pour la méthode qui consiste à imposer son agenda aux médias.

Plus globalement, on s'interroge d'un côté sur les véritables raisons qui motivent l'organisation cofondée par Julian Assange ; on doute de l'utilité de l'opération pour la paix dans le monde ; on justifie le culte du secret pratiqué par la diplomatie en tant que gage de son efficacité et symbole de la raison d'Etat et on craint qu'à l'avenir, les chancelleries redoublent de précautions. On dénonce une "dictature de la transparence" et on en arrive à affirmer qu'"il y a des choses qu’il n'est pas utile que le public connaisse". En somme, il n'est pas convenable pour un roi de se promener nu, et il n’est pas convenable de le dire.

De l'autre côté, en revanche, on jubile : le "Cablegate" est un hymne à la transparence, corollaire nécessaire de la démocratie. Car les citoyens ont le droit de tout savoir sur l'activité de leurs dirigeants et ces derniers ont le devoir de ne rien leur cacher. Comme le résume The Economist, "des organisations comme WikiLeaks sont ce que l'on peut espérer de meilleur pour promouvoir le climat de transparence et de responsabilité nécessaire à une démocratie libérale authentique". Le roi se doit de se promener nu, et il faut veiller à ce qu'il en soit ainsi.

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Sans surprise, le premier type de réaction est plus répandu chez les "latins", la seconde dans les pays du Nord de l’Europe (ici, on n'aime pas le terme "anglo-saxons"). S'il ne bouleversera probablement pas les grands équilibres géopolitiques, le "Cablegate" aura au moins eu le mérite de susciter le débat sur les vertus de la transparence et sur le fait que, grâce à Internet, il est beaucoup plus difficile pour les gouvernements d'agir dans l'ombre. Excusez du peu.

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