Respecter l’arbitre

Publié le 11 février 2011 à 12:16

Quand ils sont interviewés après une défaite, les entraîneurs italiens ont une méthode infaillible pour éluder les responsabilités de l’équipe et détourner vers une autre cible la colère des supporters : ils s’en prennent à l’arbitre. Ailleurs en Europe, cette habitude est regardée avec étonnement et mépris : les décisions de l’arbitre sont toujours respectées, même en cas d’erreurs manifestes.

Probablement grâce à sa longue expérience de président du Milan AC, Silvio Berlusconi a été le premier à transposer cet expédient en politique, en substituant à la figure de l’arbitre celle du juge. D’ailleurs, tout comme les arbitres, les juges ont rarement la sympathie du public. Nous ne nous rappelons qu’ils existent que lorsque nous commettons des fautes et ils se trompent toujours quand ils nous sanctionnent. Ainsi, les attaques du chef du gouvernement italien contre les juges, qu’il traite régulièrement de "subversifs" et de "communistes", lui ont permis pendant des années de détourner l’attention de ses fautes les plus énormes et des échecs retentissants de son équipe.

A la différence de l’Europe du football, celle de la politique apprend vite la leçon italienne. Récemment, Nicolas Sarkozy s’en est pris au juges, attribuant à leur négligence la responsabilité d’un meurtre qui a scandalisé la France. Et Viktor Orbán, a profité du rejet très impopulaire d’une lourde taxe à l‘encontre des "responsables de la crise" par la Cour constitutionnelle pour en réduire significativement les pouvoirs. Le président français et le Premier ministre hongrois ont des motivations différentes : le premier, faire remonter sa côte de popularité avant la présidentielle de 2012, le second veut avoir les mains libres pour récolter les fruits de son récent triomphe électoral. Mais tous deux marchent dans le sillon tracé par Silvio Berlusconi, qui depuis toujours s’efforce de saper les contre-pouvoirs et d’exploiter la méfiance envers les institutions en s’adressant directement aux tripes du peuple pour en tirer une légitimité inconditionnelle.

C’est une tactique qui peut fonctionner sur le court terme. Mais si elle devait trouver d’autres imitateurs en Europe, la politique de tout le continent risquerait de connaître le même sort que le football italien : de plus en plus confus et médiocre, de moins en moins compétitif sur le terrain international, là où les arbitres ne se laissent pas intimider par les vociférations des entraîneurs.

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