Mythe grec et budget bruxellois

Publié le 1 juillet 2011 à 12:07

La Grèce est le berceau de l'Europe, et la mère de nombreux mythes qui peuvent être recyclés en métaphores journalistiques. Le rocher de Sisyphe, les travaux d'Hercule, ou le tonneau des Danaïdes ont déjà beaucoup été utilisés pour éclairer la situation dans laquelle se trouve le pays et son gouvernement. Permettons-nous d'ajouter ici l'histoire de Dédale.

Comme l'architecte enfermé par le roi Minos, avec son fils Icare, dans le labyrinthe qu'il avait construit, l'Union européenne se retrouve coincée par la crise à un point où tous les chemins difficiles mènent à une impasse. D'un côté, la politique d'austérité imposée au Grecs depuis un an : non seulement, elle n'a eu pratiquement aucun effet sur la réduction des déficits et la réforme d'un système corrompu et inefficace mais, comme de nombreux experts l'avaient signalé, elle a annihilé les possibilités d'une croissance économique pourtant nécessaire pour sortir de la crise. De l'autre, les plans de sauvetage : les 110 milliards promis ont creusé le fossé psychologique entre Européens du Nord et du Sud, et entrainé un raidissement de l'Allemagne dans les négociations européennes sans pour autant soulager les Grecs et offrir de réelle perspective de sortie de crise.

Autre orientation possible, la restructuration de la dette grecque. Mais l'impasse est immédiate puisque les dirigeants européens craignent la réaction des marchés et une extension de la crise à d'autres pays de la zone euro. Dans le même temps, certains de ces mêmes dirigeants prennent la direction d'une plus grande intégration économiqueet d'un "fédéralisme de crise" menant vers la création d'euro-obligations et une coordination supranationale des politiques fiscales et budgétaires. Mais dans ce cas, leur démarche se heurte aux intérêts divergents des pays membres. Et en tout état de cause, l'approfondissement de l'intégration politique et économique est à contre-courant de l'opinion publique qui exprime son euroscepticisme dans les urnes.

Bref, où que l'on regarde, l'UE-Dédale est en bien mauvaise posture. Et comme le personnage du mythe, elle va devoir trouver un moyen de sortir par le haut du labyrinthe. De manière surprenante, c'est la Commission européenne que fournit un élément de la solution. Cette semaine, dans sa présentation du projet de budget pour les années 2014-2020, l'exécutif communautaire qualifie de "financements prioritaires" les "projets transfrontaliers dans les domaines de l’énergie, des transports et des technologies de l’information" et propose une "augmentation significative de l’enveloppe prévue au titre de la recherche et de l’innovation pour investir dans notre compétitivité, et des fonds supplémentaires en faveur de la jeunesse européenne".

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C'est-à-dire qu'il identifie les domaines dans lesquels les Européens doivent investir (et s'investir) pour sortir du déclin économique et social dans lequel ils sont empêtrés. Malheureusement, ces belles perspectives sont contradictoires aves les politiques imposées par Bruxelles et les Vingt-Sept aux pays en crise et même dans la plupart des pays européens. Et l'on sait très bien que les bonnes intentions affichées par la Commission avant les négociations qui vont débuter ne l'engagent à rien puisqu'elle pourra rejeter la responsabilité sur les Etats, voir sur le Parlement, si toutes ces ambitions étaient revues à la baisse.

Austérité réelle contre ambitions sur le papier : les dirigeants européens ne pourront pas longtemps gouverner sur cette contradiction que les peuples européens ressentent au quotidien. C'est en oubliant la réalité qu'Icare, le fils de Dédale, s'est brûlé les ailes.

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