Crise de la dette

Berlin, la mal-aimée

Publié le 6 mars 2015 à 15:37

Le correspondant de Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, rapporte qu’Avgi¨, un quotidien proche de Syriza, le parti du Premier ministre grec Alexis Tsipras, a publié une caricature du ministre allemand des finances, “Wolfgang Schäuble, vêtu d’un uniforme de la Wehrmacht, l’armée du IIIe Reich, croix de guerre autour du cou”.

Ce n’est qu’au bout de deux jours que Tsipras l’a condamné. D’ailleurs, Quatremer rappelle que c’était Tsipras lui-même qui avait “ouvert les vannes de la germanophobie”, en demandant à l’Allemagne des compensations pour les dommages subis par la Grèce pendant la Seconde guerre mondiale.

Avec la crise, les sentiments anti-allemands progressent dans toute l’Europe et Berlin “commence à s’en préoccuper”, note Quatremer. Il explique qu’“un peu partout, on vit mal ce qui est ressenti comme la domination d’un pays qui semble vouloir imposer son modèle économique à coup de politiques d’austérité.

Au Royaume-Uni, “une partie de la classe politique […] et la presse populaire s’indignent de voir le vaincu des deux conflits mondiaux s’imposer en maître incontesté de la zone euro.”, ajoute le journaliste, qui note que l’hostilité à l’égard de l’Allemagne est en plein essor en France également. Le souverainiste de droite Nicolas Dupont-Aignan qualifie ainsi l’UE de “IVème Reich”, le leader du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon estime que “l’attitude de l’Allemagne est arrogante, dominatrice, et conduit l’Europe au chaos”, alors que la chef de file du Front national Marine le Pen dénonce la “capitulation de la Grèce face au chantage de Berlin”.

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Non seulement ces forces politiques montent en puissance, mais en plus “le discours germanophobe gagne [du terrain] au sein de l’UMP [et] du PS”. Cette critique de la part des hommes politiques français découle des divergences concernant la gestion de la crise de l’euro. “Les Allemands raisonnent par la règle. C’est seulement après qu’ils tiennent compte du contexte, alors que nous ou les anglo-saxons sommes beaucoup plus pragmatiques”, précise un membre du gouvernement français à Quatremer, selon lequel –

Pour Berlin, il suffit donc de revenir aux règles convenues et ne pas se lancer dans une interprétation créatrice, s’adapter aux circonstances. D’où ses “nein” retentissants à répétition : non à un sauvetage européen des banques, non à un plan de relance européen, non à une aide financière à la Grèce, non à une interprétation souple des règles, non, non, non.

Et pourtant, le Bundestag a avalisé le résultat des dernières négociations avec la Grèce, “ce qui n’était pas gagné d’avance”. Le tabloïd allemand Bild avait en effet organisé une campagne contre l’aide accordée à la Grèce et le plan de sauvetage était loin de faire l’unanimité auprès de l’opinion publique. Quatremer en arrive même à la conclusion que

de fait, l’Allemagne a accepté à chaque fois ce qu’elle a d’abord rejeté : le maintien de la Grèce dans l’euro, la solidarité financière avec les pays en difficultés, l’union bancaire, l’assouplissement du pacte de stabilité, la nouvelle politique monétaire expansionniste de la Banque centrale européenne, l’accord donné à une renégociation partielle du programme de réformes exigé d’Athènes, etc.

Le journaliste se demande même si ce n’est pas la France qui est responsable de ces sentiments germanophobe car “l’affaiblissement de l’Hexagone sur la scène politique européenne renforce cette impression d’une domination brutale de Berlin.” Par conséquent, “les manifestants grecs feraient peut-être mieux de clouer au pilori la désertion française…”.

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