Hausse du franc

Inquiétude chez les riverains de la Suisse

Publié le 13 mars 2015 à 10:33

La décision de la banque centrale suisse de laisser flotter le franc suisse – ce qui a provoqué une hausse quasi-instantanée de la monnaie helvétique de 30% – a eu par exemple des conséquences sur les emprunts en francs suisses contractés par des emprunteurs polonais, qui se sont retrouvés avec des mensualités brusquement beaucoup plus élevées.

Mais la mesure a un impact également sur les voisins immédiats de la Suisse, ainsi que sur les étrangers vivant sur le sol helvétique. La santé de l’économie suisse, le taux de chômage inexistant et sa proverbiale stabilité attirent en effet, en outre des capitaux à la recherche d’un havre tranquille, les travailleurs des pays limitrophes. C’est ainsi que chaque jour, quelque 300 000 navetteurs font l’aller-retour depuis l’Allemagne, la France ou l’Italie. Un chiffre qui a augmenté d’un tiers depuis que sévit la crise de la zone euro, ainsi que le raconte le Wall Street Journal Europe. De leur côté, les Suisses se rendent volontiers dans les zones frontalières de leurs voisins faire des emplettes, ce qui génère un chiffre d’affaires d’environ 300 milliards d’euros par an.

Parmi ces zones, il y a Campione d’Italia, une enclave italienne d’à peine 1km2 dans le canton suisse du Tessin. La plupart des habitants de Campione sont des citoyens italiens, comme Enrico Lironi, un enseignant et consultant qui vit à Campione. Son salaire est en euros, explique le quotidien des affaires américain, mais nombre de ses frais sont en francs suisses. Alors, quand ces derniers ont bondi, il a du réduire drastiquement son train de vie.

La municipalité est à peu près dans la même situation, raconte le quotidien des affaires américian. La principale activité économique de Campione d’Italia vient en effet du casino. Il paye ses salariés et ses fournisseurs en francs suisses, mais 80% de ses recettes viennent des clients italiens, qui, eux, payent en euros. Le bond du franc suisse a fait augmenter de 20% les dépenses du casino, qui est à présent en perte. Depuis 2011, à cause de la crise, le casino a cessé de payer régulièrement ses impôts, et cela a eu un fort impact sur les ressources de la municipalité, qui a dû augmenter les coûts des prestations sociales, puis de vendre à perte une partie de son patrimoine immobilier.

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Campione d’Italia est “au bord de la faillite”, affirme le maire adjoint Florio Bernasconi, qui a demandé l’aide financière au gouvernement italien. Début février, il a convoqué les habitants de la ville pour leur annoncer qu’il allait couper de 30% les pensions de retraites complémentaires. On pourrait penser que les résidents qui sont payés en francs suisses, mais qui paient leurs impôts en Italie, devraient se retrouver avec un salaire plus élevé grâce au franc fort. Mais, explique le quotidien américain, comme les produits et les services se payent en francs, cela ne change pas grand chose, alors que les touristes italiens, eux, se font plus rares.

Au point que de nombreux habitants, en particulier parmi les retraités, qui perçoivent leur pension en euros, songent à quitter Campione. Quant aux employeurs du canton du Tessin, au sein duquel se trouve Campione, ils commencent à imposer à leur personnel d’accepter des salaires en euros, convertis en francs suisses, mais avec l’ancien taux. Ces pressions, note le Wall Street Journal, ont accru les tensions qui existent déjà entre les travailleurs étrangers et les Suisses, qui craignent que les navetteurs ne fassent baisser leurs propres salaires.

Les scieries de Lombardie, la région italienne voisine, qui achètent le bois en Suisse, risquent de faire faillite en raison de la hausse des coûts. Et les maires des villes voisines craignent pour leur part que le franc fort ne nuise à l’économie locale. Une économiste de l’Union des banques suisses affirme que les effets pourraient se faire sentir dans un rayon de 100km de la frontière.

Mais tout le monde ne partage pas le même avis et nombreux sont ceux qui tirent avantage du franc fort : les Chemins de fer suisses ont ainsi ajouté de nouveaux trains pour permettre aux ressortissants de la Confédération de faire du shopping à l’étranger et les bureaux de change des gares ferroviaires ont vu les achats d’euros multipliées par 15 en quelques semaines. Les supermarchés allemands sont en train d’embaucher davantage de personnel pour faire face au nombre croissant de clients suisses qui profitent de prix allant parfois jusqu’à la moitié de ce qu’ils payeraient chez eux, et qui, du coup, rentrent chez eux avec des dizaines de flacon de shampooing ou des douzaines de bouteilles de lait, raconte le Wall Street Journal.

Pour faire face à ce phénomène, les autorités suisses commencent à réagir, conclut le journal : les habitants des villages suisses près de la frontière allemande commandaient tellement de pizzas dans des restaurants de Constance – de l’autre côté – qu’il arrivait que les livreurs passent la frontière avec 60 pizzas à la fois, jusqu’au jour où les douaniers suisses les ont prés de rebrousser chemin.

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