Référendum aux Pays-Bas sur l’Ukraine

La règle du jeu politique a changé en Europe

Le 6 avril, les Néerlandais sont appelés à se prononcer par référendum pour savoir si le gouvernement doit ratifier l’accord d’association signé par l’Union européenne et l’Ukraine. Un “non” serait un coup dur – un de plus – pour l’UE, mais il aurait le mérite de marquer une nouvelle étape entre des citoyens de plus en plus déconnectés des élites et une Union en perte de crédibilité.

Publié le 4 avril 2016 à 00:55

La consultation a été promue par trois organisations eurosceptiques menées par le groupe GeenPeijl (“Pas de classe”), lui-même expression du blog populaire GeenStijl (“Pas de style”). Elles ont recueilli plus de 400 000 signatures afin d’obtenir la tenue d’un référendum. Les derniers sondages indiquent que la moitié des électeurs n’ont pas décidé s’ils allaient voter et, parmi ceux qui ont décidé d’aller voter, le “oui” et le “non” sont au coude-à-coude.

Le résultat n’a pas de valeur contraignante, mais il apparaît clair qu’en cas de victoire du “non”, il s’agira d’un nouveau coup dur pour une Union en proie à une vague de désamour de la part des citoyens et que le gouvernement ainsi que les partis traditionnels – qui soutiennent le “oui” – devront en tenir compte.

“Ses adversaires voient le referendum comme l’occasion de faire monter la grogne sociale contre l’UE”, note ainsi NRC Handelsblad. Pour le quotidien néerlandais,

cela ne doit pas surprendre : au fond, peu de personnes s’intéressent à l’Ukraine, alors que la plupart ont une opinion sur l’UE. Quel que soit le résultat, il est clair que le référendum rendra plus difficile pour l’UE de lancer de nouveaux projets sans consulter l’opinion publique européenne. Que cela plaise ou pas à Bruxelles, le référendum pose une question : voulons-nous d’une UE puissante et ambitieuse ou pas ? Le camp du “oui” se base sur deux arguments. D’abord, le traité d’association est un traité commercial ordinaire, qui n’ouvre pas à l’Ukraine la porte de derrière de l’UE. […] Ensuite, le rejet du traité ferait rentrer la Russie dans le jeu.

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Malgré la crainte qu’une victoire du “non” représente “un cadeau pour Vladimir Poutine”, qui “a annexé la Crimée, soutenu les rebelles dans l’est de l’Ukraine et est probablement co-responsable de la destruction du MH17”, comme l’écrit Rob de Wijk dans Trouw, NRC estime que “la troisième guerre mondiale ne va pas éclater si les Néerlandais votent ‘non’.

Le référendum “met toutefois le doigt sur la plaie”, ajoute NRC :

le temps où l’UE pouvait mettre en place des projets importants sans consulter le public et sans une participation directe de la population est définitivement révolu. Le chancelier allemand Helmut Kohl pouvait comme un petit dictateur imposer l’euro aux Allemands dans les années 1990, de même que l’élargissement à l’Europe centrale et du sud a été mis en place sans qu’un vaste débat public ait eu lieu. En 2005, l’élite politique européenne pouvait encore ignorer le rejet franco-néerlandais de la Constitution européenne.

Pour le quotidien,

une partie croissante des Européens sont à présent critiques vis-à-vis de l’UE et essaient de le faire savoir clairement aux élites de Bruxelles. Lors des dernières élections européennes, près un électeur sur trois a voté pour des partis eurosceptiques (y compris le PVV, le UKIP, le FN, le Parti de la liberté et Syriza), mais cela n’a pas suffi ; l’“union toujours plus étroite” avance toujours. Les citoyens européens ont trouvé un autre moyen : au Royaume-Uni, par le biais du référendum In/Out de l’UE, aux Pays-Bas, à travers le référendum sur l’Ukraine. Cela encouragera l’enthousiasme pour la participation directe à des initiatives citoyennes, et une série de référendums sur l’Accord de libre-échange avec les Etats-Unis (TTIP) et sur l’adhésion de la Turquie à l’UE semble donc inévitable.

Résultat direct des critiques croissantes vis-à-vis de l’UE, venues à la fois de la gauche et de la droite”, le référendum néerlandais sur l’Ukraine serait donc l’occasion pour les dirigeants de l’Union d’”accepter le fait que les règles du jeu politique ont changé depuis 2008”, au lieu de “menacer d’apocalypse”, car “l’histoire selon laquelle les politiques et les gérants savent toujours mieux que le peuple ne marche plus.

L’UE dans son ensemble a “perdu de la crédibilité” en raison du “trop grand nombre de perdants sociaux” dans ses projets précédents. C’est pour cela, estime NRC, qu’elle “a besoin d’un possible ‘Brexit’ ou d’un éventuel rejet du traité avec l’Ukraine” : ce sont autant de signaux du fait que “le sentiment anti-establishment augmente et il est le prélude à une nouvelle phase dans le développement de la démocratie post-nationale de l’UE.

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