Angela seul maître à bord

La presse européenne est unanime : lors du sommet de Bruxelles du 23 octobre, c’est la chancelière allemande qui a dicté ses conditions à ses partenaires — France comprise — pour sortir l’euro et les pays les plus endettés de la crise.

Publié le 24 octobre 2011 à 13:35

"Nicolas Sarkozy cède à Angela Merkel pour permettre une réponse à la crise de l’euro" : ainsi Público, à Lisbonne, synthétise le résultat du sommet européen du 23 octobre. Le président français a cédé à l'"Intransigeance allemande", et les discussions se sont limitées aux points de friction :

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Hier, le débat a atteint le point où on se demandait s’il fallait demander l’aide de la Chine…L’atmosphère était également marquée par la détermination d’Angela Merkel de ne pas dévier de sa propre stratégie. Elle ne l’a pas fait pour l’essentiel, et sa stratégie n’a pas changé : imposer l’austérité et la discipline aux pays endettés est le seul chemin pour sortir de la crise. Qu’il s’agisse du Portugal, de la Grèce, de l’Italie ou de l’Espagne, voire de la France. Ce qu’il y a de nouveau, c’est que de plus en plus de voix s’élèvent pour protester contre cette attitude. Les pays de l’UE revoient leur croissance à la baisse et la menace d’une récession se fait plus forte. Mais Berlin reste absolument indifférente – Público

En Grèce, Eleftherotypia considère que le Premier ministre Georges Papandréou et son ministre des Finances Evangelos Vénizélos faisaient "figure de simples figurants à Bruxelles", où "les européens ont organisé [la] guillotine volontaire de la Grèce". Son confrère To Ethnos dénonce quant à lui à la Une "le chantage de Merkel" :

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La chancelière fait tout pour imposer son régime de rigueur et ne se rend pas compte des conséquences. Et pour les Grecs, cela signifie une austérité de très longue durée. – To Ethnos

Autre "mauvais payeur" mis en cause, l’Italie. L'analyste Marta Dassù reconnaît dans La Stampa que le seul pays qui a le poids et les instruments pour conduire l’Europe hors de la crise de l’euro, c’est encore l’Allemagne, qui, sur ces thèmes "est pieds et poings liés à son propre Parlement" :

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L’union monétaire pourra franchir la crise actuelle uniquement si les pays qui la mènent aujourd’hui — à commencer par l’Allemagne — augmentent leur taux de solidarité […] et uniquement si les pays endettés augmentent leur taux de crédibilité — les réformes — et leur discipline budgétaire. De ce point de vue, le double sommet de ces jours-ci marque un progrès potentiel, du moins sur le papier. Si le plan allemand fonctionne, une Europe à plusieurs niveaux naîtra, avec un noyau dur fondé sur l’euro et sur des institutions en partie séparées de celles de l'Europe à Vingt-sept. – La Stampa

En Espagne, El Periódico affirme à la Une que "L’euro se rend à Merkel". Pour le quotidien catalan, la chancelière "a imposé ses vues" lors du sommet de dimanche :

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Angela Merkel et la BCE se sont opposés catégoriquement à la possibilité d’un financement illimité de la BCE [pour les pays en difficulté] car, à leur sens, il constituerait une violation des traités de l’UE, qui interdisent à la BCE de financer la dette publique des Etats membres. Nicolas Sarkozy, malgré le soutien de l’Espagne et d’une majorité des pays de la zone euro, s’est vu contraint de céder face au bloc formé par l’Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et la BCE. – El Periódico de Catalunya

Côté allemand, pour la Süddeutsche Zeitung, l’Europe regarde pour la première fois depuis le début de la crise dans le miroir de la vérité. Et ce qu’elle voit n’est pas encourageant, c’est même un "abîme", écrit le quotidien de Munich:

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Malgré les milliards qui sont débloqués sur le papier, il ne faut pas oublier que peu importe la quantité d’argent qu’on mobilise, cela ne sauvera pas l’euro. On ne fait qu’acheter du temps pour résoudre les problèmes de fond. Il faut stopper l’éloignement économique des 17 Etats membres ; pour cela, il faut une gestion solide. Comme le temps presse, le sommet de ce mercredi [26 octobre] doit introduire les véritables changements, comme la création d’un Commissaire au budget puissant et indépendant que de nombreux pays revendiquent. Berlin, qui réclame de changer les traités pour commencer, fait courir le risque que la dérive de l’euro ne se transforme en chute. – Süddeutsche Zeitung

Die Welt défend quant à lui le point de vue du gouvernement allemand :

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Si les uns veulent imprimer de l’argent au lieu de rendre leurs économies pérennes, les autres devront payer la note. La confiance des citoyens et des marché ne reviendra que quand tous les membres de l’euro suivront les règles de la stabilité - ou quitteront le club. – Die Welt

En France, Libération estime que la crise de l'euro a révélé l’asymétrie du couple franco-allemand, à l’avantage de Berlin :

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Dans ce vieux couple franco-allemand, l’un domine désormais clairement l’autre. Cela ne date pas tout à fait d’hier : l’euro avait été conçu dès l’origine à partir du Deutsche Mark et d’une culture singulière de la monnaie, marquée par le drame de l’hyperinflation des années 1930 et la faillite de la politique. Mais cette domination avait été tempérée par la force et le culot de cette aventure collective de la monnaie unique. Avec la violence de la crise financière, le masque est tombé. Vu d’outre-Rhin, la place, la parole et l’influence de la France ont été dégradées. Les solutions défendues par l’Elysée pour tenter de résoudre la crise de l’euro — aussi pertinentes soient-elles — n’en ont que plus de mal à s’imposer. N’en déplaise à l’activisme résolu du président français qui colle à la chancelière en toutes occasions, notre crédibilité financière en a pris un sérieux coup. – Libération

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