Barroso relance le mot qui fâche

En proposant une fédération d’Etats-nations, le président de la Commission a tracé une voie ambitieuse pour l’UE. Mais cela pose immanquablement la question des pouvoirs de Bruxelles et de la place des pays membres, remarque la presse européenne.

Publié le 13 septembre 2012 à 14:47

A un moment crucial pour une Union européenne qui peine à sortir de la crise, José Manuel Barroso voulait marquer les esprits. Le 12 septembre, dans son discours annuel sur l’état de l’UE, le président de la Commission européenne a formulé plusieurs propositions, dont l'emblématique “fédération démocratique d’Etats-nations”, qui serait instaurée par un nouveau traité européen.

Barroso n’a pas mâché ses mots”, lance le Svenska Dagbladet. Le quotidien suédois note que

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la proposition d’une union bancaire pour renforcer les contrôles était prévue. Mais il est allé encore plus loin en affirmant que l’UE “doit” aller vers union fiscale qui aboutira à une fédération. Il ne semble exister aucune limite aux sujets que Barroso juge bon de gérer. […] L’idée de Barroso n’est ni raisonnable, ni souhaitable et l’on peut se demander si lui-même pense qu’elle est réaliste. La proposition semble plutôt être une manière de tester jusqu’où l’UE peut aller en proposant des mesures qui augmentent son propre pouvoir. Cela peut ressembler à une théorie du complot, mais ce n’est pas nécessairement le cas. L’amour pour le projet européen est fort à Bruxelles, où un certain romantisme entretient le bon côté d’une Union dans laquelle les pays se rapprochent constamment les uns des autres. [...] Pourtant, plus les pays au cœur de l’UE s’orientent vers une fédération accrue, plus il est vraisemblable qu’elle finira en une union divisée où les pays collaborent à des niveaux différents.

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Plus indulgent, Der Standard a découvert un nouveau Barroso, un “type d’homme politique que l’on a cherché en vain ces huit dernières années : un véritable combattant”. Pour le quotidien viennois, le président de la Commission a présenté

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un bon plan. Que s'est-il passé ? Longtemps, Barroso a été tristement célèbre pour coller à ses notes. Son image devient plus nette si l'on rappelle que, jeune étudiant, ce conservateur Portugais a combattu la dictature dans son pays. Il craint l'effondrement si la communauté n’avance pas — avec à la clé le démontage de la démocratie tel qu’on peut l’observer dans plusieurs pays en crise dans l’UE.

Telle qu’il l’a décrite devant les députés européens, la vision de l’avenir de l’UE du président de la Commission “se calque de manière flagrante sur la vision allemande d’une “Europe unie”, juge România liberăà Bucarest. Une vision

qui suppose une responsabilité et une discipline fiscale et budgétaire, la réduction des écarts de compétitivité et de productivité entre le Nord et le Sud, et une intégration politique prudente qui n’efface pas les différences entre les nations. [L’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande sur le fonds de sauvetage montre que] Berlin est attentif à ne pas transformer la fédération européenne en un super-Etat. [...] La victoire du projet allemand efface, pratiquement, à partir de maintenant, toute autre vision alternative.

Mais il n’y a peut-être pas d’autre choix pour sauver l’euro, concède le Times de Londres, pourtant traditionnellement opposé à un approfondissement de l’intégration européenne :

Les citoyens du continent n’ont jamais été aussi résistants au rêve des pères fondateurs d’une union toujours plus étroite. [...] L’idée de redémarrer la machine à torture de la négociation des traités est la dernière chose que veulent les politiciens. Mais le grand paradoxe de l’urgence pour l’euro est que, malgré l’impopularité de l’Union, la plupart des gouvernements, y compris le britannique, sont désormais d’accord sur le fait que la monnaie unique ne peut être sauvée que si ses Etats membres cèdent davantage de souveraineté. En français, cela se dit “fuite en avant”.

Cette évolution, note le Daily Telegraph, va renforcer la demande d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE. Le quotidien affirme même que le gouvernement prépare la façon dont, en cas de référendum, il pourrait proposer “une recommandation selon laquelle la Grande-Bretagne reste dans l’UE sans intégrer une union politique”. Mais "rien ne pourrait être pire pour David Cameron" qu’un tel débat,

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car il surviendrait à l’approche des élections générales de 2015 et placerait cette question qui divise au coeur du débat politique.

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