“Un sévère avertissement adressé à l’Europe”

La victoire étriquée de la coalition de centre-gauche aux élections des 24 et 25 février ne permet pas de dégager une majorité claire. La presse européenne tente de comprendre et s’inquiéte des conséquences pour l’Europe.

Publié le 26 février 2013 à 12:48

Le résultat des élections législatives et sénatoriales apparaît comme un rejet de la politique d’austérité menée par le Premier ministre sortant, Mario Monti, grand perdant du vote. En témoignent la percée du comique populiste revendiqué Beppe Grillo et le retour en force de Silvio Berlusconi, pourtant considéré comme responsable de la crise que traverse le pays.

“Le populisme, la clameur et les mensonges règnent” commente la Süddeutsche Zeitung. Sans Mario Monti, le grand perdant, l’Italie n’aurait jamais survécu à la crise, souligne le quotidien de Munich, selon lequel

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le scrutin italien est une leçon particulière pour tous les acteurs de la crise de l'UE : celui qui hésite, perd ; celui qui bafouille sera puni, car les choses faites à moitié ne comptent pas. Les électeurs italiens ont laissé un message très simple dans les urnes : “On n’y comprend rien !”. On ne peut pas leur en vouloir car ils vivent dans un climat politique qui favorise les demi-vérités et qui élève la satire au rang de raison d'Etat. Deux comiques se sont présentés et ont été récompensés pour leur propos quasi-diffamatoires : Silvio Berlusconi et Beppe Grillo.

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“Les électeurs précipitent l’Italie dans le chaos”, déplore De Volkskrant qui considère que “l’Europe est le grand perdant de ces élections”, étant donné la défaite électorale de Mario Monti :

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A Bruxelles et dans la plupart des capitales européennes, on avait l’espoir que Monti, entré en fonction en 2011 pour sauver l’Italie de l’effondrement financier, pourrait poursuivre sa politique de réformes en faisant une coalition avec Pier Luigi Bersani. [...] La montée de Silvio Berlusconi et du parti protestataire de [Beppe] Grillo doivent inquiéter les dirigeants européens, d’autant plus qu’en Espagne aussi le mélange toxique de colère envers l’austérité et la corruption se fait sentir.

A Athènes, I Kathimerini s’inquiète du “risque d’anarchie en Italie”. Presqu’un an après les élections grecques qui s’étaient traduites par un blocage politique et un nouveau scrutin, le quotidien dresse une analogie entre les deux pays :

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En Grèce, les Indignés se sont électoralement répartis dans trois directions : le parti de la gauche radicale SYRIZA, déjà membre du Parlement, le parti populiste des Grecs indépendants et les néonazis d'Aube dorée. En Italie, l'intégralité de la population a été subjuguée par l'anti-système du non-fasciste Grillo, qui a joué le tragédien, et une autre petite partie par le vieux de la vieille de la politique, Berlusconi et ses gestes théâtraux. En plus du populisme, l’une des caractéristiques qui rapproche Grillo de Berlusconi, à des niveaux différents, est leur résistance à l’hégémonie de l’Allemagne et le réveil des fiertés nationales.

“Il semble que le nouveau Premier ministre [Pier Luigi] Bersani aura les mains liées par une forte opposition de droite qui l’empêchera de poursuivre les réformes engagées par Mario Monti”, écrit Rzeczpospolita à Varsovie. Selon le quotidien conservateur,

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plusieurs scénarii sont à considérer. De nouvelles élections seront probablement nécessaires. Pourtant, le problème étant d’éviter que la situation actuelle ne se répète, la loi électorale doit être modifiée. Mais peut-elle l’être par un Parlement divisé ? Faut-il élire un nouveau Parlement pour une seule loi ? L’Italie est dans un piège.

Le Monde constate de son côté que “l’Italie anti-rigueur alarme l’Europe”. Dans son éditorial, le quotidien français considère que l’impasse politique dans laquelle se trouve l’Italie au lendemain des élections reflète le “Basta Cosi!” [Ca suffit !] des électeurs italiens, mot d’ordre “inquiétant pour la Péninsule et alarmant pour l’Europe” :

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L’impasse italienne est aussi un sévère avertissement adressé à l’Europe. Dans ce pays signataire du traité de Rome en 1957, et dont l’engagement européen était le ciment, il s’est trouvé plus de la moitié des électeurs pour soutenir des candidats qui ont fait toute leur campagne sur un “non” à “l’Europe allemande” (Berlusconi) ou sur un “non” à l’Europe tout court, à l’euro et à ses contraintes (Grillo). C’est à Bruxelles, Berlin ou Paris que la question est désormais renvoyée : jusqu’où sera-t-il possible d’imposer des politiques de rigueur à des opinions qui les rejettent de plus en plus, en Italie, mais aussi en Espagne, en Grèce, au Portugal ? Jusqu’où sera-ce possible sans approfondir cette inquiétante fracture démocratique ? Jusqu’où cette contradiction sera-t-elle tenable sans menacer, demain, l’unité même de l’Union européenne? Les responsables européens ne peuvent plus éluder ces interrogations.

“L’Europe trébuche sur Berlusconi”, titre ABC à Madrid, selon lequel l’Union européenne “se heurte au populisme". Face à la réussite de l’ancien Premier ministre et de Beppe Grillo, l'échec de Mario Monti semble être celui de “l'orthodoxie réformiste européenne”. “L'UE et les dirigeants qui avaient élaboré ‘l'opération Monti’ doivent réfléchir aux raisons de cette débâcle”, commente le quotidien. L’éditorialiste Ignacio Camacho se demande quant à lui si le succès du Mouvement 5 étoiles de Grillo peut s'étendre ailleurs en Europe, notamment du Sud :

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Sa forte irruption révèle une pathologie sociale commune à la région méditerranéenne qui, dans le marasme politique de l'Italie, a trouvé à s’exprimer sous la forme d'une phobie anti-sytème. Les tentatives d’imitation seront faciles dans les pays où les élites subissent une forte dégradation de leur prestige, comme en Espagne.

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