Revue de presse Crise constitutionnelle en Pologne
Manifestation contre le gouvernement, à Varsovie, le 12 décembre.

Varsovie sur le chemin de la “démocrature” ?

Les changements radicaux que le gouvernement conservateur veut introduire ont rencontré une résistance d’une partie importante de la société polonaise, toujours plus polarisée et descendue ces jours-ci dans la rue. La presse polonaise se demande si la démocratie polonaise est en péril.

Publié le 16 décembre 2015 à 19:18
Reuters/Cacper Pepel  | Manifestation contre le gouvernement, à Varsovie, le 12 décembre.

Les 12 et 13 décembre deux grandes manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes ont eu lieu à Varsovie. La première pour défendre le Tribunal constitutionnel, organisée par le Comité de défense de la démocrati. La seconde, en faveur du parti Droit et Justice (au pouvoir), qui s’efforce de limiter le pouvoir du Tribunal constitutionnel et de le contrôler. La démocratie est-elle en danger en Pologne ? Le pays prend-il le chemin de la “démocrature” à la russe ? Depuis sa victoire aux élections, en octobre, le camp de Droit et Justice (PiS) fait le ménage dans le pays, au détriment des règles démocratiques. La nouvelle diète (Parlement), dominée par le PiS, a invalidé, en toute vitesse, le choix de cinq juges du Tribunal constitutionnel désignés par les parlementaires de la législature précédente et les a remplacé par ses propres candidats. Lorsque le Tribunal a statué le 3 décembre que trois des cinq juges choisis précédemment l’ont été conformément à la loi fondamentale et le 9 décembre, que l’amendement de la loi sur le Tribunal constitutionnel est majoritairement contraire à la Constitution, le gouvernement a temporairement bloqué la publication des décisions, dont seule la première a finalement été publié, le 16 décembre.

Cette décision a conduit à une crise constitutionnelle, l’avenir du seul organe en mesure de mettre un coup d’arrêt aux projets controversés du PiS étant en jeu. La formation de droite envisage notamment d’introduire un impôt sur les actifs bancaires et les grandes surfaces, un contrôle des médias et une loi anti-terroriste draconienne. D’après Gazeta Wyborcza,

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la censure gouvernementale des décisions signifie la fin de l’indépendance du Tribunal et de sa fonction de contrôle.

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Dans un entretien accordé à Newsweek Polska, le rédacteur en chef de Krytyka Polityczna, Sławomir Sierakowski, estime que

la majorité à la diète obtient de fait les compétences d’une majorité constitutionnelle car le Tribunal constitutionnel, dont les décisions sont discréditées, est paralysé. [Le président du PiS Jarosław] Kaczyński peut modifier n’importe quelles lois, y compris celles relatives aux institutions dont le fonctionnement est définie par la Constitution.

Ludwik Dorn, ancien vice-premier ministre PiS actuellement chroniqueur, explique pour sa part, dans une interview pour l’hebdomadaire Do Rzeczy, le comportement du PiS en se référant aux concepts de l’État normatif et de l’État discrétionnaire introduits par le politologue allemand Ernst Fraenkel. Bien qu’il ne voie pas de “menace pour les libertés individuelles et la démocratie”, Dorn estime que l’Etat de droit est en danger :

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Le Tribunal constitutionnel est une institution clef de l’État de droit. Kaczyński est convaincu que s’il n’est pas en mesure de mener ses réformes dans le cadre de l’ordre normatif actuel, il doit faire sortir l’Etat normatif du cadre institutionnel existant et le remplacer […] par un Etat discrétionnaire [qui bénéficie d’un flou arbitraire illimité et d’une violence non-contrôlée par les garanties juridiques].

Le chroniquer de Rzeczpospolita Michał Szułdrzyński commente la situation en expliquant que

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Pendant la campagne électorale, le PiS construisait l’image d’un parti de droite européen prévisible. A présent, il se présente comme une formation qui se bat sur tous les fronts, tout en se cachant derrière une dure carapace. Maintenant, il pourrait s’avérer en plus que les promesses électorales du parti qui pèsent sur le budget ne satisferont pas les citoyens. Et comme il n’y aura plus de pain pour traverser ces épreuves, le PiS aura besoin de plus de jeux.

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