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"A l'est de la Grand-Place de Bruxelles" vit un petit monde replié sur soi. "Une planète à part, où l'on croise aussi bien des fonctionnaires que des eurodéputés ou des lobbyistes…nous sommes sur “la planète des euro sapiens”, tels que la décrit Christophe Deloire, directeur du CFJ-Centre de formation des journalistes et co-auteur, avec le journaliste Christophe Dubois, de Circus politicus, (éditions Albin Michel) : "Dans un rayon de quelques rues, malgré les 23 langues différentes, les habitants de cette planète parlent le même langage, sont unis par une même foi en l’Europe, par le sentiment d'appartenir à un peuple de pionniers".
Deloire&Dubois plongent au coeur de la bureaucratie européenne, cet immense conglomérat formé du Parlement européen, du Conseil européen, etc., au bout duquel trône, au 13ème étage de l’immeuble du Berlaymont, siège de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Dans Circus Politicus , lui et ses collègues font l’objet d’un portrait au vitriol auquel échappe la seule Viviane Reding, vice-présidente de la Commission et chargée de la Justice, en raison notamment de sa prise de position contre la France au moment où Paris les expulsait en masse. Les auteurs lui consacrent même un chapitre entier : "Tout va bien, Madame la commissaire !".
L’Europe s’occupe certes “de tout et de tout le monde", comme l'écrivent Deloire&Dubois, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elle soit en cela efficace et démocratique : "Est-ce que le citoyen européen comprend quelque chose de ce qui se passe à Bruxelles ? J’en doute”, affirmait récemment la Belge Isabelle Durant, vice-présidente du Parlement européen (PE), lors d’une conférence à l’occasion de la présentation à Paris de Circus Politicus : "Décider quelque chose en commun quand aucun des 27 ne veut mettre queoi que ce soit en commun est un processus démocratique très compliqué. Est-ce que Bruxelles décide de tout ? Non, évidemment que non. Mais elle décide quand même de beaucoup de choses. Est-ce que Bruxelles communique bien ? Pas du tout. L'UE a une très mauvaise relation avec les citoyens, ce qui favorise l'avènement de cette musique identitaire nationale, qui, en soi, est un danger pour la construction transnationale européenne".
Quant à ceux qui sont censés être le relais critique de l’activité des institutions, les journalistes européens, ce sont, selon Isabelle Durant, "des objets non identifiés au sein de leurs rédactions. L'Europe elle-même est d'ailleurs un objet non défini pour les directeurs de rédactions. Enfin, nous, les parlementaires européennes, nous sommes, pour la plupart, des objets non identifiés pour les partis que nous représentons, à l’exception, peut être des Verts."
Autrement dit, l'UE traverse, en dehors de l’actuelle crise économico-financière, une crise démocratique et de l'information. Une crise qui, selon la vice-présidente du PE, a pour conséquence la dérive intergouvernementale actuelle dans le processus de décision européen.
Un processus qui naît dans le “bazar institutionnel” de Bruxelles, comme l’appellent les auteurs de Circus Politicus. Un bazar qui, concluent-ils, “empêche de mieux défendre les intérêts de citoyens”. Une conclusion rejoint celle de Jürgen Habermas, dans un article repris par Presseurop: le déficit de démocratie peut mener, après un printemps arabe, à un printemps européen.
Photo : l'entrée du Parlement européen, à Bruxelles.
